À MES PIEDS

Il faut se laver les yeux entre chaque regard (Kenji Mizoguchi)

INTENTIONS
Avec mon premier appareil numérique, je photographiais des textures au sol, pour les incorporer à mes bidouillages numériques. J’ai constaté que ces photos se suffisaient à elles-mêmes. Alors j’ai entrepris de photographier À mes pieds. Depuis quinze ans, ces pieds avancent…
Une série se fixe un principe de base, et le décline ostinato rigore. Le cahier des charges est simple: photographier le sol.
Je me tiens debout, axe de prise de vues perpendiculaire au sol, focale plutôt courte.
Je photographie de ma hauteur, sans grimper sur une échelle ni un arbre, sans même profiter de la déclivité éventuelle du terrain, ni d’un rebord de fenêtre.
Je repère un cadrage satisfaisant. J’effectue les réglages. Je déclenche.
Avant la prise de vue, aucune mise en scène. Je n’ôte pas les mégots de cigarette ou les papiers gras. Je ne rajoute aucun élément.
Après la prise de vues, aucun recadrage. Aucun bidouillage numérique non plus.
Ces principes de base assez rigoureux n’empêchent pas la grande diversité des prises de vue —  géographique,  météorologique, graphique, thématique… Certaines touchent à l’abstraction, d’autres constituent de petites énigmes, d’autres encore s’apparentent à du reportage… Chacune d’entre elles peut trouver une rime formelle avec d’autres, des lignes, une texture, des couleurs…
Bref, je ne me promène plus que les yeux baissés, attentive au «paysage» ou à la «scène» que je pourrai isoler en un cadrage et capturer d’un déclic.

NARRATIONS
Entendu pendant les prises de vues :
— Pourquoi vous photographiez par terre? »
— Eh bien, ça va être beau, du goudron! »

Pendant une exposition de cette série À mes pieds, des tirages au format carte postale sont à vendre. Une jeune fille me demande quelles sont les photos prises à Avignon. Elle en achète plusieurs: elle veut les envoyer à sa famille pour lui faire connaître la ville.

RECENSIONS
D’un coup en regardant tes photos je comprends ce que tu regardes: ces dessins que l’on cherche dans le ciel en regardant le lent mouvement des nuages sur notre tête, tu les photographies à tes pieds sur la terre et ce qui est humain se met à ressembler au ciel, à toi les cumulus, les stratus, les nimbus des sols de notre maison… Voici le météorologue de nos humeurs terrestres: Marise…
Robert Pansard-Besson

Alors que nous foulons rapidement ou nonchalamment le sol de nos rues, Marise Laget – au contraire – se penche délicatement sur son intéressant cas. Elle explore son graphisme, sa géométrie, ses diverses textures, ses aspérités, ses couleurs… pour créer des pièces de puzzles qu’elle nous propose fort gentiment d’assembler.
À vous de jouer maintenant…
Laurent Orseau

VARIATIONS

soupçonneuse
Âme épiée

encyclopédique
Âme, épis, et…

douloureuse
Ah, mes pieds!

plagiée
Ah, mais, pillée!

beckettienne
Ham et Piet

mathématicienne
a) mets π, eh!

mystique
Âme, hep! y es ?

mal convaincue
Ah, mais – pis est